Fabienne   Houze essaiA    

Ce trop discret cheminement. Fabienne Houzé-Ricard

 

Je me demandais comment pouvait être la personne qui dessinait ces milliers de branchettes, fétus, tiges, brindilles qui constituent un nid.

Je me demandais comment était une personne qui dessine des milliers de barbes et de barbules qui constituent les milliers de plumes d’un oiseau.

Je me demandais si le cerveau apprenait tout seul à modéliser un nid, si un humain pouvait retenir le schéma d’un nid, si une main sentait si elle devait dessiner le dessus ou le dessous d’une brindille, si le tissage se faisait dans la tête, ou s’il fallait tout le temps regarder où passait le brin d’herbe qu’on a commencé à dessiner.

Je me demandais comment quelqu’un peut passer des années à ne dessiner que des nids et des oiseaux sans jamais céder à la tentation de dessiner l’oiseau dans le nid.

Je me demandais combien de feutres cette personne pouvait utiliser par an.

Je me demandais si la pointe qu’elle utilisait c’était bien du 0,10.

Je me demandais quand est-ce que cette personne saurait que c’est fini, les nids.

 

Je n’ai pas eu toutes les réponses, mais certaines, oui. Fabienne a employé les mots « quasi obsessionnel », « thématique », « acharné », « méticuleux », « accumuler », « saturé ».

 

Le plus grand de ses tableaux mesure 2,10 m par 1m. Elle a mis deux ans à le faire. Je commence à avoir une idée d’elle.

« Il y a quelque chose de rassurant à faire ça tous les jours.  Je travaille sur les nids depuis 2005. J’alterne les nids et les oiseaux. Quand je dessine, je ne sais pas où je vais. J’entasse. J’agglutine les nids comme une famille. Je travaille en quantité pour que l’idée aboutisse. Quand ça commence à devenir trop propre je passe à autre chose. Mais il y a toujours quelque chose de nouveau qui émerge : ça rebondit sans cesse, ça déclenche des idées, des envies »

 

Car aucune de ces accumulations de nids n’est identique. Il y a du vide parfois, il y a un envahissement parfois. Il y a des nids devenus motifs. Il y a des nids uniques, se déstructurant subtilement. « Je dessine d’après ce que je vois, d’après de vrais nids. Même si je les regarde plus. Je les ai assimilés. La forme devient mentale. Je sais gérer la répartition de la lumière, construire mentalement les nids »

 

Elle en a des centaines, des nids. Elle en reçoit même par la poste. Je ne m’étais pas posé cette question, de savoir d’où venaient les nids.

Ah, et, au fait. Elle utilise du 0,10 oui.

 

ISABELLE NIVET

Sorties de secours n°409 du 27 juin 2024
www.sortiesdesecours.com